BOOMERANG - Eric Franck Russel
Disposer d’un robot qui puisse passer pour un homme, tout en étant plus fort, plus rapide, plus résistant qu’un espion ordinaire, c’est le rêve de tout général.
Surtout si ce robot peut frapper à mort, sans arme apparente, une victime désignée, s’il peut éliminer, par exemple, certains hommes qui détiennent du pouvoir, trop de pouvoir. Mais pour l’amener à les tuer, il faut programmer en lui l’horreur de la puissance. Et qui en détient plus que ses créateurs ? Sinon lui-même ?
C’était un robot qu’on avait rendu semblable aux humains avec une ingéniosité digne d’une meilleure cause. Il était beaucoup plus convaincant que tout ce qu’on a jamais vu dans un musée de figures de cire ; et même, à en juger par la simple apparence, il paraissait plus humain que ses créateurs.
A titre d’exemple, Speidel avait le crâne pointu et déplumé, le cou tendineux, le nez en bec d’aigle, les yeux bordés de rouge. Il était la réincarnation manifeste d’un vautour. Mais il avait le cerveau pénétrant, imaginatif et suffisamment bien organisé pour pouvoir être qualifié d’individu brillant.
Le second des créateurs était Wurmser, un personnage à grosses bajoues, ventripotent, le corps lourd et gauche mais l’esprit dangereusement vif. Si Wurmser n’était pas un génie, du moins approchait-il ce niveau.
Debout au milieu de la pièce, le robot constituait une preuve tangible de leurs capacités. On eût dit un jeune représentant de commerce figé dans une immobilité totale. Il n’avait pas de traits caractéristiques, il était ordinaire, banal ; c’était là sa dominante, depuis la semelle de ses chaussures de cuir jusqu’à la peau humaine spécialement traitée de son visage et aux cheveux humains qui lui ornaient le crâne.
De taille, de constitution, de traits, il était du genre le plus courant. Son signalement détaillé se fût également appliqué à un nombre indéfini d’hommes, en n’importe quel endroit… comme c’était projeté. Son nom s’accordait à son apparence. Il s’appelait William Smith.
Appuyé au bord d’une table, Speidel examinait le robot ; il observa : « Il devra prendre l’avion pour se déplacer rapidement. C’est là le point critique. Son poids est un élément gênant.
— Indique-moi le moyen de réduire encore son équipement et on recommence à zéro, répondit Wurmser.
— Il n’est pas de méthode qui du même coup ne diminue son efficacité. Tu le sais aussi bien que moi.
— C’est assez normal, fit Wurmser, avec une trace de lassitude. Sept ans de travail et deux cent quarante modèles avant d’en fabriquer un de la qualité voulue ! Il m’arrive parfois de rêver qu’ils me piétinent le corps avec des pattes d’éléphant.
— À moi, il m’arrive de rêver que nous en avons fabriqué un qui est obligé de se raser. Voilà ce qui serait un coup de maître. » Il consulta une montre de poche extraplate. « On dirait que Kluge va être en retard. Ça ne lui ressemble pourtant pas.
— Non, le voici ! » déclara Wurmser.
Kluge entra ; c’était un homme de haute taille, très raide, aux yeux qui ne cillaient pas, aux lèvres minces et sévères, aux cheveux coupés court. Il avait l’habitude de claquer les talons en pivotant et avait une raideur particulière dans le buste.
« Ainsi vous avez fini ? dit-il d’un ton autoritaire. Tout est prêt ?
— Oui, colonel-général.
— Bon ! » Kluge fit quatre fois le tour de William Smith, l’inspectant froidement de haut en bas, devant et derrière. Smith supportait cet examen avec le visage impassible et la rigidité d’un garde à la parade.
« Alors, qu’en pensez-vous ?
— Je ne juge pas d’une arme par son poli, répliqua insolemment Kluge. Seule l’efficacité opérationnelle compte à mes yeux.
— Dans ce cas, mon cher colonel-général, vous allez être servi. Avez-vous apporté ses papiers ?
— Naturellement. » Kluge les montra. « Carte d’identité, carte professionnelle, passeport, billets de banque, carnet de chèques, correspondance truquée, tout y est. Le passeport est authentique ; nous avons les moyens de nous procurer ces documents.
— Tant mieux », dit Speidel. Il étudia les papiers, puis les glissa avec soin dans les poches de William Smith, toujours impassible et immobile. « Avez-vous aussi la liste des sujets d’épreuve ?
— Très certainement. » Kluge exhiba un feuillet et poursuivit : « Nous avons choisi cinq hommes qui jouissent de pouvoirs étendus. Des gens importants. Si ce William Smith réussit à les abattre, toute la presse mondiale annoncera leur décès dans les vingt-quatre heures. »
Tout en parcourant la liste, Speidel observa : « Ah ! je vois que vous avez suivi les excellents conseils de Wurmser. Aucun d’entre eux n’est un citoyen ennemi.
— Non, ce sont des neutres. Mes supérieurs ont admis que cette tactique permettrait de procéder aux tests préliminaires sans donner l’alarme à l’ennemi ni éveiller ses soupçons. »
Speidel émit un petit rire. « Il est bon de frapper dur et soudainement. Il est encore meilleur de frapper sans avertissement. Mais le mieux, c’est de frapper de façon que l’ennemi ignore qu’on le frappe. C’est la méthode des vampires : sucer le sang des dormeurs.
— Je persiste néanmoins, dit Kluge, à préférer l’honnête soldat à l’assassin mécanique.
— Les honnêtes soldats meurent comme des mouches quand la victoire se fait attendre, intervint Wurmser. Mais ils restent en vie quand elle vient facilement.
— Je sais. C’est le fondement de mon approbation en même temps que la raison pour laquelle le Haut Commandement appuie votre projet. » Kluge les examina d’un œil glacial, puis ajouta : « Jusqu’à présent ! »
Speidel soupira de l’air d’un homme excédé par l’entêtement des profanes et dit : « Eh bien, colonel-général, tout est prêt. Désirez-vous un bref exposé avant que nous lâchions William Smith de par le vaste monde ?
Ce ne serait pas inutile, convint Kluge. Mes collègues vont me poser des questions embarrassantes une fois les dés jetés.
— Très bien. » Aidé de Wurmser, Speidel prit une liasse de plans qu’il étala sur une large table. « Toute l’affaire prend sa source dans les recherches de Valenski sur le bistouri à ondes courtes. Peut-être connaissez-vous cet instrument. Il coupe les chairs et referme les capillaires à mesure qu’il progresse.
— J’en ai entendu parler, dit Kluge.
— Valenski cherchait un système de mise au point réglable, assez précis en longueur, exactitude et sensibilité pour permettre la chirurgie interne sans avoir à pénétrer la surface. Un tel instrument semblait être le complément naturel de l’appareil à rayons X en trois dimensions.
— Jusque-là, je comprends.
— Au bout de quelques années, Valenski a atteint son but avec un engin qui projetait deux faisceaux convergents d’ondes ultra-courtes. Chacun était inoffensif en soi, mais quand les deux faisceaux étaient projetés simultanément et en déphasage, ils tranchaient à leur point focal commun dont le diamètre était réduit à deux dixièmes de millimètre.
— Pour ce que cela a rapporté ! ricana Wurmser.
— C’était trop encombrant pour qu’un chirurgien le manie avec la dextérité voulue, confirma Speidel. L’appareil a été utilisé dans de très rares cas particuliers, mais c’est tout. Car souvent la pratique diffère de la théorie.
— J’en suis assez averti », remarqua Kluge en lançant un coup d’œil significatif dans la direction de William Smith.
Speidel ignora le sarcasme et continua : « Toutefois, sans jamais s’en rendre compte, Valenski avait mis au point une arme utile. William Smith la porte à présent à l’intérieur de son crâne sous forme miniaturisée et améliorée. Ce sont les transistors qui nous ont permis de réduire le dispositif aux dimensions d’un poing. Les faisceaux jumeaux sortent par les yeux et sont réglés en permanence sur un point focal situé à deux mètres de distance.
— Ce qui veut dire qu’il doit approcher à deux mètres de sa victime ? s’enquit Kluge, l’air dubitatif.
— Et aussi retenir l’attention de ladite victime pendant au moins vingt secondes, précisa Speidel. Comment peut-il s’y prendre ? Tout d’abord, il est porteur de lettres d’introduction fausses mais impressionnantes qui devraient lui permettre d’obtenir des entretiens privés dans le cas où il ne pourrait approcher le sujet d’une autre manière. Ensuite il est conditionné pour retenir l’attention.
— Comment cela ? Par hypnose ou par un moyen analogue ?
— Non, rien de cette nature. Une seule chose est susceptible de monopoliser entièrement l’esprit de n’importe quel homme : à savoir, une menace ouverte ou sous-entendue envers ce qu’il apprécie le plus. » Speidel sourit, ce qui accentua encore, si c’était possible, sa ressemblance avec un vautour. « Les victimes prévues aiment toutes la puissance. Pour elles, le pouvoir est plus précieux que les diamants. En conséquence, William Smith discutera de ce pouvoir, proférera des menaces à ce sujet et retiendra ainsi suffisamment leur attention pour avoir le temps de viser l’objectif et de faire mouche.
— Et ensuite ?
— Ses yeux émettront les rayons durant le minimum de temps nécessaire pour aboutir au résultat cherché. La victime ne verra rien, ne sentira rien, ne soupçonnera rien. William Smith s’en ira… ou sera mis à la porte. Avant longtemps, la rupture d’un vaisseau sous le crâne de la victime entraînera l’inévitable fin ; elle s’écroulera en succombant à une hémorragie cérébrale. Cause fort naturelle et courante, comme pourrait en témoigner n’importe quel médecin de village. Une mort ne prêtant pas le moins du monde au soupçon d’assassinat politique.
— Cela n’a rien de militaire, se plaignit Kluge. Je suis obligé de constater que les méthodes changent en même temps que les époques, et que l’efficacité constitue le facteur décisif. Néanmoins, ces tactiques me déplaisent.
— Tout le monde déteste les nouveaux moyens de guerre… surtout quand l’autre camp les emploie le premier, rétorqua Speidel. Cette idée est la méthode la plus sournoise conçue à ce jour pour frapper un ennemi. Cette sournoiserie n’est pas un défaut ; elle est une vertu première. Elle en constitue le charme essentiel.
— Pourquoi ?
— Parce qu’aucune arme nouvelle inventée à ce jour n’a pu être utilisée sans qu’on sache du même coup qu’elle existe. Avec quel résultat ? Tôt ou tard, l’ennemi en découvre les principes fondamentaux, il la copie, la perfectionne et s’en sert à son tour contre son adversaire. » Il désigna du geste la silhouette silencieuse, toujours debout comme un mannequin dans une devanture. « Ceci est le premier engin que l’ennemi ne puisse soumettre à une enquête et reproduire. Il ne le peut pas pour la simple raison qu’il restera dans une heureuse ignorance de son rôle.
— C’est cet aspect même du processus qui m’inspire des doutes, reconnut Kluge. Il peut se passer tant de choses imprévisibles pour le signaler à l’attention d’autorités avides d’apprendre. Un délit secondaire commis par ignorance, une violation de quelque loi mineure, ou même le simple jeu des coïncidences.
— Que voulez-vous dire ?
— Supposons par exemple qu’il corresponde par hasard plus ou moins au signalement d’un criminel faisant l’objet d’activés recherches. Quelqu’un remarque cette ressemblance et la signale à la police. On l’arrête comme suspect, on veut relever ses empreintes digitales.
— Mais il a des empreintes digitales. Des vraies, prélevées sur un mort sans casier judiciaire. Il peut prouver son identité grâce à ses papiers. Il peut s’en tirer en parlant.
— Et s’il se trouvait impliqué dans un incident qui inciterait la police à le détenir deux ou trois jours ? Il ne peut ni manger ni boire. Il refuse de se dévêtir. Il refuse de se soumettre à un examen médical. Voyez-vous ce que je veux dire ? »
Speidel respira profondément puis déclara : « Allons, colonel-général, il ne peut arriver rien de pareil. Wurmser et moi avons envisagé avec soin toutes les éventualités. William Smith ne pourra jamais être capturé, démonté, copié.
— Pourquoi ?
— Si on le questionne, il connaît toutes les réponses. Si quiconque tente de le mettre en prison ou de restreindre dans une mesure quelconque sa liberté, il s’efforcera de s’enfuir. Et ce ne sont pas les balles qui peuvent l’arrêter.
— Et s’il n’arrive pas à s’échapper ?
— Si les circonstances entraînent la nécessité absolue de s’échapper alors qu’il est dans l’incapacité de le faire, alors cela signifie qu’il a ordre d’accomplir l’impossible. Pour son cerveau, ce serait là un problème insoluble. » Il s’approcha de William Smith, déboutonna le gilet du robot, ouvrit la chemise et montra un petit bouton rouge implanté dans la puissante poitrine. « Voilà sa réponse à tous les problèmes insolubles. Placé devant une impossibilité, s’il ne trouve pas de moyen de s’en sortir, il presse ce bouton.
— Et… ?
— Si réduite qu’elle soit, la charge commandée par le bouton est d’une énorme puissance. Elle vaporisera ses organes internes et dispersera le reste comme du plomb de chasse dans un rayon de quatre cents mètres. L’ennemi ne pourrait relever d’autre indice que le fait qu’il s’agissait d’un homme de métal.
— Il est bien conditionné à prendre cette décision ? insista Kluge.
— Certainement. Il ne saurait s’y soustraire. Les robots n’ont aucun instinct de conservation.
— Encore un point. Cette créature me fait quand même penser au monstre de Frankenstein. Ce qui me conduit à me demander si son cerveau ne pourrait pas dérailler.
— Qu’entendez-vous par là ?
— Il doit concentrer ses rayons sur ceux qu’il a reçu ordre de tuer. Mais vous prétendiez dans vos comptes rendus antérieurs que vous l’aviez doté de la capacité de réfléchir dans la limite nécessaire. Et s’il se mettait en tête de tuer les victimes de son choix ? Vous, par exemple ? »
Speidel ne se donna pas la peine de répondre à cette dernière question. Il remit de l’ordre dans les vêtements de William Smith, inséra une clef spéciale dans le dos du robot et lui fit faire demi-tour. La silhouette s’anima. Speidel se plaça droit devant William Smith, à deux mètres de distance exactement, et le regarda droit dans les yeux.
« Donnez-lui l’ordre, proposa Speidel à Kluge.
— Tuez-le ! lança Kluge sans hésiter.
— Je ne peux concentrer mes rayons contre mes créateurs, déclara William Smith d’un ton calme, neutre.
— Pourquoi pas ?
— Cela m’a été rendu fonctionnellement impossible.
— Il est doté d’un circuit d’inhibition, expliqua Speidel, partant du principe que Kluge comprendrait. Il ne peut déclencher d’hémorragie cérébrale chez Wurmser ni chez moi. Il ne peut recevoir d’ordres de quiconque, excepté Wurmser et moi. » Il sourit à Kluge. « Mais si c’était Wurmser qui lui avait crié « Tuez-le », nous serions tous morts.
— Pourquoi ? demanda Kluge, stupéfait.
— Cet ordre lui eût soumis un problème insoluble. Résultat : une sacrée explosion ! »
Il tendit à William Smith la liste de Kluge. « Vous dirigerez sur ces hommes un regard destructeur et vous reviendrez ici dès que possible.
— À vos ordres », acquiesça William Smith. Il plia la liste, de ses longs doigts absolument semblables à ceux des humains, et la glissa dans, une poche. Puis il prit un chapeau à un porte-manteau, se le posa sur la tête avec désinvolture et sortit. Kluge l’avait examiné avec un intérêt non déguisé.
Quand la porte fut refermée, il demanda : « Combien de temps peut-il fonctionner ?
— Trois cents jours.
— Et s’il y avait de longs retards inévitables avant qu’il puisse terminer sa mission ? Si son courant se mettait à faiblir avant qu’il puisse revenir ici ? Supposons même qu’il épuise toute son énergie, qu’il devienne inerte. Il y aura toujours quelqu’un pour ramasser ce jouet révélateur de bien des choses, n’est-ce pas ?
— Non, répliqua Speidel. Dès qu’il se rendra compte qu’il ne peut pas revenir dans les délais, il saura également qu’il doit se plier à un ordre impossible. Cela suscite toujours le problème insoluble auquel il n’y a d’autre réponse que l’autodestruction. » Il renifla pour manifester son agacement et ajouta : « De toute façon, la mission en cours ne devrait pas prendre plus de soixante jours. Et il est bâti pour durer cinq fois ce laps de temps.
— Apparemment vous avez pensé à tout, reconnut Kluge.
— À tout ce qui était humainement possible, trancha Wurmser. Jusqu’à présent, nous l’avons expédié faire une dizaine de voyages courts mais compliqués, pour mettre à l’épreuve sa capacité à faire face aux problèmes quotidiens. Chacun de ces voyages a entraîné de notre part de nouvelles modifications. Pour le moment, il est aussi proche de la perfection que possible.
— Je l’espère. » Kluge s’approcha de la fenêtre et écarta les rideaux pour regarder dehors. Il resta fasciné. « Il est là. Il monte dans un autobus comme s’il n’avait jamais rien fait d’autre.
— Il est capable d’un millier d’autres choses, annonça Speidel. Il peut recourir à l’acrimonie pour décourager les sympathies dangereuses. Si les horaires le permettent, il voyagera aussi bien de nuit que de jour et consacrera les heures de nuit à feindre le sommeil. Il sait très bien comment dissimuler son incapacité de boire et de manger. » Il poussa un long et profond soupir. « Nous n’avons rien oublié. Personne ne pourrait faire mieux.
— J’accorde à votre travail une extrême ingéniosité sans toutefois admettre qu’il soit parfait », dit Kluge. Il referma les rideaux. « C’est la mort des victimes qui sera l’épreuve concluante !
— William Smith a horreur du pouvoir personnel dans toute la mesure où l’on peut amener une machine à détester quoi que ce soit, répondit Speidel. Il est donc l’instrument idéal pour abattre ces sortes de pouvoirs. Attendez, vous verrez ! »
*
**
Newton P. Fisher extirpa sa masse corpulente de l’intérieur de sa grande limousine, enfla ses bajoues pendantes et braqua ses méchants yeux de poisson sur le jeune homme calme, bien habillé, qui attendait sur le trottoir.
« Pas de commentaire ! grogna-t-il. Débinez !
— Mais, Mr. Fisher, j’ai été affecté…
— Eh bien, faites-vous désaffecter. J’en ai ma claque, des reporters.
— S’il vous plaît, Mr. Fisher. Je m’appelle William Smith. » Les mots précipités tentaient de retenir l’autre, tandis que quelque chose brûlait dans le regard. « Si vous consentiez à m’accorder seulement une minute de votre temps…
— Vous m’avez compris ! J’ai dit pas de commentaire ! » Fisher le regardait droit dans les yeux, sans rien sentir. Puis il s’adressa à un homme solide, au bas des joues bleuâtre, qui l’avait suivi hors de la voiture. « Pawson, arrangez-vous pour que je ne sois plus importuné par ce type ou n’importe qui du même acabit. » Il entra d’un pas pompeux dans le bâtiment et personne ne remarqua que sa démarche devenait hésitante quand il disparut hors de vue.
Les bras croisés sur sa large poitrine, Pawson foudroyait d’un regard belliqueux le prétendu reporter, furieux de voir que l’individu ne paraissait pas s’en émouvoir.
« Tire-toi de là, mon petit père. Ton journal pourra faire la une avec le patron le jour où il sera mort.
— Ce qui ne tardera pas », répliqua William Smith d’un ton curieusement assuré. Il repoussa un peu son chapeau en arrière et s’en alla, impassible, sans se presser.
« Vous avez entendu ce qu’il a dit ? demanda Pawson au chauffeur. Il prépare déjà son article nécrologique. Quel type futé, non ? De quoi se marrer !
— Un cinglé », avança le chauffeur, en faisant tourner le bout de son index sur sa tempe.
Pawson escalada le perron où venait de passer Fisher. « Restez sur place, Lou. Cette affaire ne retiendra pas le patron bien longtemps. » Il franchit le seuil.
Appuyé à son volant, le chauffeur se curait les dents en contemplant vaguement la rue. Il s’aperçut que William Smith avait contourné l’angle suivant et disparu.
Pawson réapparut au bout de deux minutes. Il jaillit de la porte et dégringola maladroitement les marches. Arrivé à la voiture, il se cramponna à la poignée de la portière tout en reprenant haleine. Il avait les yeux jaunâtres et sa figure paraissait pétrie dans de la pâte à pain moisie.
Au bout d’un temps, il souffla : « Nom de Dieu !
— Ça ne va pas ? s’enquit le chauffeur, réveillé.
— Ce n’est rien de le dire, fit Pawson en aspirant profondément l’air. Le patron vient de passer l’arme1à gauche. »
*
**
Rien dans ce bureau de Bruxelles ne pouvait suggérer que Raoul Lefèvre fût assez éminent pour être connu, remarqué, abattu. Dans son apparence même il n’avait rien d’exceptionnel. Mince, élégant, les cheveux bruns, il n’avait que l’air d’un modeste homme d’affaires.
« Asseyez-vous, Mr. Smith. » Son anglais était parfait, ses manières aisées. « Ainsi vous avez été en rapport avec feu Newton P. Fisher. Sa mort nous a causé un grand choc. Elle a bouleversé pas mal de choses.
— Comme prévu, dit William Smith.
— Que voulez-vous dire par là ?
— Qu’a été créé le chaos sans Fisher. »
Penché en avant, les coudes sur son bureau, Lefèvre dit avec lenteur et précision : « Les comptes rendus de presse ne suggèrent nullement que la mort de Fisher soit un coup monté. Affirmeriez-vous qu’il aurait pu être assassiné ?
— Exécuté », rectifia William Smith.
Lefèvre l’examina avec attention et demanda : « Qui vous envoie me dire cela ?
— Je suis venu automatiquement.
— Pourquoi ?
— Parce que vous êtes le suivant sur la liste.
— Le suivant ? Sur quelle liste ? La liste de qui ?
— La mienne.
— Ah ! » La main de Lefèvre jaillit de sous son bureau avec la vivacité d’un serpent prêt à mordre. Elle tenait un gros automatique au canon bleu. « Je me rends compte que vous avez obtenu cet entretien par supercherie. Vous n’avez aucun lien avec Fisher. Vous n’êtes qu’un fou de plus. Il y a longtemps que les cinglés me prennent pour cible. Dans ma position, c’est inévitable.
— Vous n’aurez plus longtemps à en souffrir, lui affirma William Smith.
— Je n’ai nulle intention d’en souffrir le moins du monde », répliqua Lefèvre. Il tenait les yeux fixés sur ceux de Smith, le pistolet fermement braqué, pendant que de l’autre main il pressait un bouton sur sa table. À la personne qui répondit à l’appel, il déclara : « Emile, reconduisez Mr. Smith et veillez à ce qu’il ne lui soit plus permis d’entrer.
— Je n’aurai aucun besoin de revenir », dit William Smith. Il partit en compagnie du silencieux Emile, suivi par le regard sombre de Lefèvre au moment où il passait la porte.
Après avoir traversé la rue, Smith trouva un banc libre dans les petits jardins devant l’immeuble de Lefèvre ; il s’assit et attendit. De temps à autre, il examinait les fils téléphoniques au-dessus de sa tête comme pour s’interroger sur les impulsions vocales qui y défilaient.
Vingt-quatre minutes après, une voiture délabrée vint s’arrêter en grinçant devant la grande porte. Un homme barbu en descendit, porteur d’une sacoche noire. Il pénétra dans le bâtiment avec l’air de ne pas avoir de temps à perdre. William Smith resta assis à contempler les fenêtres.
Cinq minutes encore, et quelqu’un abaissa les stores opaques pour obturer les fenêtres. William Smith n’attendit pas l’arrivée du fourgon mortuaire.
*
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Ignace Tatarescu lissa son uniforme noir et collant, puis ajusta autour de son col le ruban noir et or d’une décoration ornée de pierreries, plaçant la croix étincelante dans le prolongement exact du milieu de son triple rang de brandebourgs.
« Ce Smith aurait pu choisir un moment plus opportun, grommela-t-il à l’adresse de son valet. Mai enfin il a des lettres d’introduction trop importante pour que je l’éconduise. Mieux vaut lui accorder quelques minutes. » Il étudia sa silhouette dans un grand miroir, se tournant de droite et de gauche. « J’arrive toujours à trouver quelques minutes supplémentaires pour quelqu’un. Où irait le monde si je ne disposais plus d’assez de minutes ?
— C’est la rançon de la grandeur, Votre Excellence, dit le valet, assumant avec aisance un air d’humilité.
— Sans doute. Eh bien, faites-le entrer. Servez des douceurs et du café arrosé. » Il se mit à sa place favorite, sous un immense portrait en pied de lui-même, prit sa pose préférée et resta ainsi jusqu’à l’entrée de son visiteur. « Mr. Smith ?
— Oui, Votre Excellence.
— Veuillez vous asseoir. » Tatarescu se posa dans un fauteuil lourdement sculpté et pinça entre le pouce et l’index le pli aigu de son pantalon de couleur voyante. « À quel sujet désiriez-vous me voir, Mr. Smith ?
— Au sujet de votre puissance.
— Ah ! ma puissance. » Tatarescu, se rengorgeant visiblement, il poursuivit avec fausse modestie : « Mon pouvoir, tel qu’il est, je ne le tiens que du peuple, de la grande masse de mes soutiens loyaux, des vrais patriotes. Mon plus vif regret est que ce simple fait ne soit pas très bien compris dans les autres…
— Vous en avez trop », coupa William Smith, avec une brusquerie effarante.
Tatarescu cligna les paupières, le regarda fixement, puis émit un rire qui se voulait jovial. « Quel diplomate ! Vous obtenez une interview et vous en usez aussitôt pour critiquer une position pour laquelle – vous me permettrez de vous le dire, jeune homme – j’ai dû lutter dur et longtemps.
— D’autant plus dommage, observa William Smith, imperturbable.
— Hein ? Que diable entendez-vous par là ? » Tatarescu fronçait les sourcils, fixant l’autre les yeux dans les yeux.
« L’abandonner vous sera d’autant plus pénible.
— Je n’ai pas la moindre intention d’abandonner mon poste. Lorsque Tatarescu lâchera le morceau, c’est qu’il sera mort.
— Vous l’avez dit ! » approuva William Smith.
Sans quitter son interlocuteur des yeux, Tatarescu reprit à voix basse : « Nous ne sommes pas seuls. Un seul mouvement hostile de votre part entraînera votre fin. » Il éleva le ton pour crier : « Faites sortir cet idiot irresponsable ! » Puis il s’adressa encore à Smith : « Je ne vous accorderai plus jamais d’entretien.
— Non, bien sûr que non », reconnut William Smith.
Une demi-douzaine de gardes aux sourcils froncés le raccompagnèrent jusqu’à la grille principale. Après avoir gravi un sentier difficile et tortueux jusqu’au sommet de la colline voisine, il s’assit en tailleur et observa le palais, au-dessous de lui. C’était le crépuscule et les lumières commençaient à clignoter dans la ville voisine.
Il n’y avait pas très longtemps qu’il attendait quand les cloches de la ville entamèrent un glas monotone et que les haut-parleurs du réseau public lancèrent la nouvelle par les rues et les ruelles.
« Le Maréchal est mort ! Notre chef est mort ! »
*
**
Derrière les taudis de Tanger, à l’entrée déserte de la rue des Ouled Naïls, s’étendait le Sharia Afmed Hassan, un terrain long, sombre et sale, à travers lequel William Smith avançait avec prudence.
En comptant les portes basses encastrées dans le mur massif, il parvint à celle qu’il cherchait et tira le cordon de la sonnette. Bientôt, un Arabe aux traits aigus vint passer la tête et prit sa carte.
Il entendit les babouches de l’homme glisser dans l’ombre de la nuit sur les dalles de la cour, puis une voix basse murmurer : « Un giaour ! »
Les minutes s’étirèrent avant le retour de l’Arabe, qui lui fit signe et le conduisit par un dédale de couloirs jusque dans une vaste pièce, couverte d’un haut tapis. La richesse des meubles contrastait avec la misère du quartier ; le lieu suggérait le repaire d’un pouvoir dissimulé dans l’ombre.
A l’intérieur, William Smith s’immobilisa pour examiner un vieillard à la barbe blanche qui lui faisait face, de l’autre côté d’une table basse octogonale. Il avait le nez busqué, les yeux humides mais rusés, et gardait les mains cachées dans ses amples manches.
« Je suis William Smith », annonça le visiteur.
L’autre hocha la tête et dit d’une voix rauque : « C’est ce que dit votre carte.
— Vous êtes Abou ben Sayyid es Harouma ?
— C’est exact. Et alors ?
— Il va vous falloir retourner à l’obscurité d’où vous êtes sorti. »
Abou ben Sayyid tira une main de sa manche pour caresser sa courte barbe blanche. « Vous m’avez envoyé une lettre pour m’annoncer votre venue. Vous venez me parler affaires au nom de l’Ordre Nouveau. Il n’y a. pas de guerre en ce moment et la dernière est terminée depuis longtemps. Il n’est plus nécessaire de recourir aux messages chiffrés. Parlez en clair. J’en ai assez de lire entre les lignes.
— J’ai parlé clairement.
— En ce cas, ce n’est pas clair pour moi. » Les yeux humides se levèrent pour l’examiner avec soin. C’était l’instant que la victime ne pouvait pas deviner, que rien ne pouvait abolir.
« Il y a trop longtemps que vous exercez le pouvoir. »
Abou ben Sayyid frappa sur un gong placé près de lui et remarqua avec sécheresse : « C’est la pleine lune. C’est toujours à ce moment que Hakim le Cordonnier a des étrangetés dans la tête. Adieu, Mr. Smith. »
Trois serviteurs arrivèrent en courant et empoignèrent William Smith qu’ils allèrent rejeter dans la ruelle. La porte se referma bruyamment. Le cordon de sonnette pendait immobile dans la nuit. Les étoiles tremblotaient dans le ciel violet.
Appuyé à l’autre mur, les mains enfoncées dans les poches, William Smith attendit qu’une plainte terrible s’élevât dans l’ombre. « Aïe ! Aïe – ïe – ïe ! » Sous la faucille de la lune, il s’en alla.
*
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Un certain Salvador de Marella de Cartagena figurait en cinquième et dernière place sur la liste des cobayes. Salvador n’était ni dur comme Fisher, ni intelligent comme Lefèvre, ni impitoyable comme Tatarescu, ni rusé comme Abou ben Sayyid. C’était l’opportuniste type, ayant eu plus que sa part de chance et se berçant de l’illusion que ladite chance ne lui ferait jamais défaut.
Salvador avait toute l’humeur joviale, grandes tapes dans le dos à l’appui, du joueur qui gagne largement. Il reçut William Smith dans une pièce où se trouvaient vingt bouteilles de couleurs variées et quatre filles brunes aux seins avantageux. William Smith fit poliment allusion à son trépas et la réaction de Salvador fut caractéristique de l’homme. Il partit en une cascade de rires.
Il rit tellement qu’il en mourut.
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Ils l’attendaient tous les trois – Speklel, Wurmser et Kluge – quand William Smith revint. Les deux premiers triomphaient avec modestie, le troisième était impassible. Ils n’avaient pas eu besoin d’attendre le compte rendu personnel de leur envoyé. Les journaux, la radio et la télévision leur en avaient déjà assez raconté. Les géants – même ceux de l’ombre – ne s’écroulent pas sans que cela fasse grand bruit.
William Smith entra, accrocha son chapeau et regarda autour de lui, de l’air d’un directeur satisfait de voir tout son monde rassemblé.
« Parfait ! déclara Speidel, ouvertement ravi. Parfait jusques et y compris le retour prompt et soumis. Un boomerang qui revient tout droit à l’expéditeur, lequel peut s’en resservir indéfiniment. Qu’est-ce que le Haut Commandement pourrait désirer d’autre qu’un millier d’invincibles William Smith ?
— Qu’on les lâche dans n’importe quelle nation, et elle sera décapitée, renchérit Wurmser. Ses chefs seront morts et la masse stupide tournera en rond comme un troupeau de moutons effrayés. »
Kluge pinça les lèvres et déclara : « Comme je vous l’ai déjà dit, j’admets l’ingéniosité de votre travail mais pas sa perfection. Par exemple, il y aurait beaucoup moins de risque d’en faire cadeau à l’ennemi s’il n’était pas obligé de s’entretenir face à face avec ses victimes. Une telle tactique entraîne une succession de coïncidences que pourrait relever et étudier un esprit pénétrant.
— C’est inévitable. Il lui faut atteindre la distance focale précise et s’y maintenir un bref instant. Comment agir différemment ?
— Ne pourriez-vous allonger la focale et lui donner une plus longue portée, une centaine de mètres, par exemple ? Le Haut Commandement affecterait des fonds aux nouvelles recherches. »
Speidel échangea avec Wurmser le regard navré de ceux qui doivent se cogner le crâne à un mur d’ignorance. Puis Speidel déclara : « Nous pouvons porter la focale à mille mètres ou davantage. Mais cela ne servirait à rien.
— Pourquoi ?
— Plus longue est la portée, plus grande est la perte d’énergie. À mille mètres, il lui faudrait vingt minutes de concentration pour chauffer la racine d’un seul cheveu… s’il était en mesure de l’atteindre et de le fixer à cette distance, ce qui est impossible. L’idée même est absurde.
— Deux mètres, telle est la portée maximum qui permette des résultats rapides, confirma Wurmser. Au-delà, l’efficacité diminue rapidement. Si vous voulez mieux, nous devrons le doter d’un projecteur jumelé quatre fois aussi volumineux que lui-même et le métamorphoser en éléphant apprivoisé.
— Je ne tiendrai pas compte de vos sarcasmes, dit sèchement Kluge. Et je vais recommander qu’on procède immédiatement à l’acceptation de cette arme robotique pour la fabriquer en masse.
— Sous notre surveillance, intervint Speidel. Il n’y a que nous deux à en connaître les secrets et nous tenons à les conserver.
— Cela vous sera permis, promit Kluge. Moins il y aura de cerveaux à détenir ces connaissances, mieux nous serons protégés contre l’espionnage ennemi.
— Voilà une façon intelligente d’envisager les choses. » Speidel alla se placer devant William Smith et lui dit : « Vous vous en êtes bien tiré. Le colonel-général est satisfait de vous. Le Haut Commandement fera en sorte que vous ayez un millier de frères. »
William Smith répondit de sa voix calme et monotone : « Vous m’avez donné la faculté de réfléchir dans une certaine mesure. Vous avez mis en moi la faculté de réflexion car, comme vous m’en aviez averti, mes missions exigeraient un peu d’initiative et d’imagination. En conséquence, j’ai réfléchi.
— À quoi ?
— Au pouvoir. Je suis ce que vous avez fait de ; moi. Vous m’avez instillé l’horreur de la puissance.
— À juste titre. C’est une partie essentielle de ; votre fonctionnement.
— J’ai détruit sur vos ordres le pouvoir des autres, poursuivit William Smith. Et, ce faisant, c’est à vous que j’ai conféré de la puissance.
— Naturellement, convint Speidel, un peu amusé. On ne peut détruire la puissance qu’au moyen de la puissance.
— Cette conclusion est évidente et inévitable, acquiesça William Smith. Je suis spécialement construit pour mettre fin au pouvoir personnel. En m’en acquittant en un endroit, j’ai donné naissance au même pouvoir en un autre lieu. En conséquence, je devrais à présent vous détruire.
— Nous avions prévu votre logique. » Speidel prenait un intérêt académique aux modes de pensée de sa créature. « Vous ne pouvez retourner vos rayons contre ceux qui vous ont fabriqué, si indispensable que puisse vous paraître cet acte.
— Je sais. J’en suis empêché par divers cristaux, résistances et autres éléments de ma constitution. Je devrais vous traiter de la même manière que les cinq hommes que vous m’aviez désignés. Mais je ne peux pas. C’est interdit. » Il resta debout, plongé dans un silence méditatif, puis il ajouta : « De toute façon, je n’en ferais rien, même si je le pouvais. »
Cette pensée fut une surprise totale pour Speidel, car elle suggérait que les circuits d’inhibition n’étaient pas nécessaires. « Pourquoi pas ?
— Parce que cela ne ferait que repousser la question d’un cran plus loin. Ce serait moi qui détiendrais le pouvoir. Je serais seul à supporter le fardeau de ce que j’ai été conçu pour détruire.
— Vous êtes dans un sacré dilemme, hein ? » fit Speidel, souriant.
Hochant la tête d’un air sombre, William Smith confirma : « Mon esprit dit que je dois vous tuer. Mon esprit dit également que je ne le peux pas. Mon esprit dit encore que, même si je le pouvais, ce serait inutile, car alors je serais moi-même contaminé. Cependant, l’impasse est plus apparente que réelle. Il existe un moyen d’y échapper. » Sa main se leva et se porta sur sa poitrine. « Je suis devant un problème insoluble ! »
Speidel bondit comme un tigre dans le vain espoir de se saisir du robot, pendant que Wurmser hurlait comme un loup blessé et que Kluge se jetait à plat ventre sur le plancher.
La moitié de la rue sauta et une colonne de poussière de brique monta haut dans le ciel.
Une énorme puissance dormait sous ce bouton…
Traduit par Paul Hébert.
Boomerang.
© fu. 1953.
© Librairie Générale Française. 1974, pour la traduction.